Métisse, je suis la femme coupée en deux, mes racines plongent de part et d’autre de l’océan … Enracinée-déracinée.
Le travail de la terre est cathartique et mémoriel, il donne corps au sentiment de dualité qui m’anime :
De mon Berry natal, terre de sorcières aux mille étangs, aux brumes épaisses et aux landes sauvages, je tiens mes racines paysannes.
Du Golfe de Guinée d’où ont été arrachés mes ancêtres et dont les racines ont traversé l’océan pour planter leurs mains dans la terre volcanique des Caraïbes, je garde le besoin de laisser des empreintes pour conjurer l’oubli.
La terre est ce qui accueille et nourrit les racines, travailler la terre est une manière d’interroger la perte de racines, l’ignorance des origines, mais dans le même temps, de renouer, d’être reliée à un temps immémorial et des espaces inconnus.
Dès lors, sculpter la terre est une quête d’une réparation, d’un ancrage, « une tentative de guérison (…) une possibilité de sauvetage (…) un acte de résistance » ¹.
Faire temps -
Le travail
des éléments

Le travail de la terre est une expérience du temps et des éléments : terre, eau, air et feu sont la matière première du céramiste. Travailler la terre donne accès à de multiples temporalités : l’argile, amas de sédiments pétrifiés devenu souple et malléable au contact de l’eau est une pierre qui a mis des millénaires à changer d’état.
Façonner la terre est une manière d’entrer en osmose avec l’énergie primordiale de la Terre, avec le temps matérialisé et de mêler les temporalités tout en marquant ma présence dans l’espace terrestre symbolique.
Le travail de la terre porte en lui-même l’idée de mutation, de transformation, de métamorphose : le passage d’un état à un autre.
Sculpter l’argile permet de faire l’expérience du « temps à l’œuvre », celui de la maturation des idées, de la prise en main, du façonnage mais également du « temps de l’œuvre », qui mature et rend concrète la forme donnée.
¹ Marisa Merz – MNAM collection Monographies (1994), « La Balançoire de Marisa » (G. Celant)
Mythologies Personnelles

Formes féminines, végétales ou organiques, mes sculptures sont une émanation des forces intérieures qui m’animent, nourries de mes voyages, de mes racines multiraciales et de mes croyances imprégnées de cultures paganistes, panthéistes et animistes ; cette recherche formelle est l’affirmation d’une appartenance à une cosmogonie universelle.
Qu’elles prennent la forme de petites idoles au caractère hiératique, de vulves-calices ou d’arbres-mondes, les objets que je façonne questionnent mon rapport à l’intime.